A jouer avec le temps, reniflant l’instant, il arrive au détour d’un froissement que se cristallise l’essentiel dans une contraction évidente.
Le déjeuner se termine, je m’assieds sur le banc dehors. C’est un jour anodin, quotidien, normalement invisible. Il fait doux sans l’air frais du fond. Le soleil est agréable et mon épouse sort devant moi, nos enfants en gravitations satellites de leur mère, en électrons pas si libres. Il est l’heure d’aller à l’école, il est temps d’aller au travail.
Je vois la montagne derrière elle, les hauts sommets encore en neiges, celle fraiche de la veille, plus bas, celle molle et usée de l’hiver. Elle la dépasse de loin et me surplombe en ce midi printanier : les couleurs de l’automne sur les jeunes odeurs d’un vert nouveau.
« Qu’est-ce que je t’aime. » lui dis-je simplement.
Elle sourit : « C’est vrai, qu’est-ce que je m’aime aussi !»
Nous rions. Elle m’embrasse du baiser à son époux.
Les enfants se coursent vers la voiture pour y claquer leurs mains sur la poussière des routes salées, elle les suit d’un pas assuré, et déjà quelques fades secondes se sont métamorphosées en flamboyant cristal d’un instant doux et précieux.
Je pense : Fleur de peaux partagées, sages et avisées.