Propagation fugace

Je pense au loin un futur fugace. Un matin, une aube, le soleil s’y lèvera comme à l’instant. J’y suis vieux et toi aussi. Mes mains sont blanches, ridées et douces; pas le dessus, le dessous.  Les tiennes aussi. Tes seins tombent, mes mollets aussi. D’un souvenir j’y enjambe le siècle, de nos arrière-grands-parents à nos petits-enfants. Je viens dans ton lit séparé de nos corps usés.  Là-bas je pense à ces mots de ce jour devenu présent, heureux qu’ils existent.  Je maugrée en silence que toutes ces journées si longues soient passées si vite. Je ne sais pas si tu sais que cet instant au loin où je te prends la main est né il n’y a pas si longtemps, juste avant nos enfants. J’y suis maintenant, là-bas et ici, étrange constance de temps. Toi aussi, et, si tu ne le sais pas encore, ce soir je t’embrasserai pareil d’un autre temps. Demain aussi.

Pas chassés

Je vis le présent en m’imaginant dans un futur lointain m’en souvenant.

L’instant devient un souvenir, marqué de ma présence en double, en triple, en multiple.

Libre

Si tout n’est qu’ondes, si tout n’est que fréquences, mes souvenirs sont des copies grossières de ce qui fut plein et entier, des copier-coller tronqués, des coquilles cassées d’oiseaux partis au lointain.

Direction

Etre soi serait alors tenir un rythme, une mélodie, une harmonie. Des grosses lignes au milieu des tempêtes aux petites notes des jours légers, par un sourire, une gentillesse, un rictus ou une vilenie, l’accord à soi deviendrait une intention posée là-bas qui bat maintenant.

Se pose alors de nouveau la question de l’intensité, frénésie de soi-même qui déborde, amplifiée et volontaire dont l’efficience ne dépendrait que d’une compétence : Savoir jouer de soi.

Intensité

Je pense à Kant. Je perçois l’être des choses dans ce temps et dans cet espace, car déjà en moi j’ai les conditions du temps et de l’espace. Les qualités de l’être sont du côté du sujet.

A une dimension, je sais que ce que je perçois existe, un point c’est tout. A deux dimensions, je perçois une ligne, une courbe, un hiéroglyphe. A trois dimensions, je sais où, je sais grand ou petit, je sais près ou lointain, je suis la norme de mes mesures. A quatre dimensions, je sais quand sur mon temps.

Mais dans ce fatras glacial de choses qui furent, sont ou seront, si tout n’est que fréquences, l’univers est bancale d’une carence : l’intensité, la puissance de l’onde, la quantité d’énergie, une intention, une affirmation, une rage, une fureur ou une grâce.

Je pense : mes murmures peuvent-t-ils être intenses ?