Probabilité

Je m’enfonce dans un savoir que je ne comprends pas. Les équations que je lis sont autant de hiéroglyphes dont je perçois la force de sens sans saisir leur nature. Je plonge de page en page sur le monde quantique, le brouillard se dégage péniblement devant moi et étouffe immédiatement chacun de mes pas.

La fonction d’onde m’amène une image étrange : De jolies rosaces représentent les probabilités de positions d’un électron sur les orbites d’un atome d’hydrogène. Je pense à Chaldni, au sable et aux vagues.

Et si les ondes étaient la probabilité d’exister ou de ne pas exister, qui varient dans le temps, entre l’injonction et l’hésitation, voire la négation.

Ici tu peux être, là tu le devras, ici tu pourrais, là-bas certainement pas.

Anicroche

Mon enfant de 5 ans est à côté de moi, sous un ciel bleu, pur et glacé qu’un soleil de fin d’hiver a peine à tiédir. Il me tient soudainement ces propos : « Quand vous serez très très vieux et morts, j’aurais des photos de vous. Et rien que de le dire ça me donne envie de pleurer. »

Je reste transi, suspendu dans le temps, percuté du drame de la vérité, de ce point lointain qui adviendra nécessairement, lui et ses émotions ; de moi présent en cet instant projeté dans mon passé. Je vois mon onde s’effacer au loin, et la sienne déjà entendre les sillons douloureux d’après-demain. Le présent en abime se crispe sous mes pieds.

Secrets

Mais au fait, « pour quoi trouver les secrets de l’Univers » Monsieur Tesla ? Et si j’en suis, que cela signifie-t-il que je me comprenne moi-même ? Est-ce pour réfléchir mon ardeur jusqu’au fond de mes yeux ?

Rythme bas

Les graves grondent, frappent, cognent. Le rythme rempli en battements s’étend en injonction. Mes tripes entendent, se nourrissent de ces coups, mes muscles tressaillent,  ils deviennent fous. Je mets plus fort, encore un peu, juste avant la douleur, comme si dans la montée il y avait une félicité, un cri, une rage, un hurlement qui effacerait mes peurs.

La question se glisse : Pourquoi cela nous fait-il ça ? Pourquoi submergés d’ondes naissent les exaltés ? D’où vient cet ordre, cette autorité ? Pourquoi mon être aime profondément cela, être en joie d’un rythme sourd et effréné, pourquoi est-ce intelligible pour lui, pourquoi est-ce une invitation à suivre, à danser, à rire ou à pleurer ?

Cela pourrait ne pas être. Sauf si cela renvois à un principe plus fondamental, le symptôme d’une nature, d’une essence : Conscient de l’onde qui me traverse je deviens son miroir.

Mes oreilles perçoivent les ondes sonores, mon corps les sourdes vibrations, mes yeux les vagues lumineuses.

Le ruban de Moebius n’est pas la définition de l’infini, mais celle de l’empathie.

Deux

Ma Femme, ma Dame, mon Epouse. Si mon être est cette unité étrange et massive que je visite au gré du temps de mes souvenirs, je m’attarde parfois en ce lieu aride de ton espoir, de ton attente, de ta certitude. J’y vais pour me parler au passé, rassurer de ma confiance présente les plaies vives des chemins sans issues, les obscurs tâtonnements, l’éternel silence qui précéda la note. J’existe à cet instant en esprit à côté de moi, là-bas où tu m’ouvris ta porte d’une robe dorée, un dragon brodé sur fond carmin, un regard azuré, un sourire en coin.  J’existe en âme à côté de toi, là-bas dans la douceur de ton onde, je t’y souffle mon amour au présent, la nécessité de nos moments, les rires de nos enfants. Je t’y murmure nos silences, nos soupirs de détresse, le pouvoir de nos caresses, la connivence de nos mains dans la liesse. La foudre n’est pas un coup, c’est une lumière qui éclaire un caillou dans une flaque, et qui, la vague passée, sauve celui qui allait s’y noyer.

Je pense : Je n’ai pas besoin de l’éternité pour exister, juste de t’aimer.