Bascule

« Si vous voulez trouver les secrets de l’univers, pensez en termes d’énergie,  de fréquence, d’information et de vibration. » N.Tesla.

Tout bascule avec cette phrase. En quelques mots, je devins une étincelle qui se regarde au ralenti, une onde décomposée. La seconde suivante je voyais les autres de la même façon, ne percevant plus leur présence, mais bien l’ensemble de leur existence, mystérieuse dans son histoire, commune dans sa forme.  Si je suis une énergie qui vibre dans les méandres du temps à cet instant, alors ma vie devient une mélodie et ce monde un brouhaha terrifiant.

Un écueil rapidement survient : ne plus se voir comme un individu ayant sa propre histoire, ne plus se savoir comme nécessaire, réduit au simple et pur Dasein, à ce « Cogito » qui se « Ergo sum », à cette méditation de pleine conscience constante, amène à une salle d’attente sur laquelle est inscrit « trouve le nécessaire ou choisis tes contingences ».

J’ai trouvé la réponse à : Si la méditation est si heureuse, pourquoi ne sommes-nous pas naturellement dans cet état, du début à la fin ?

Parce que n’être rien d’autre qu’être est coûteux, ne sert à rien d’autre qu’être, et réponds par défaut à l’injonction de l’Univers : soit. Le reste on s’en fiche.

Alors soit, je connais beaucoup de philosophies, essayons celle-là : le monde de Tesla, sans les chiffres, sans les électrons, mais peut-être pourtant les éclairs et la foudre.

Fréquence

Il faut être positif. N’ai-je pas avancé un seul orteil sur cette idée d’un monde fait de vibrations que déjà on me parle de chakras, de pensées positives, d’énergie du corps et voilà que le flou devient opaque et bruyant. Je vomis ce déluge de couleurs en étoiles parsemées sur des corps transparents, tatoués de schémas et de routes compliquées, ces modes d’emploi qui donnent de l’ordre et du sens, une mécanique de l’harmonie. Séparer le bon grain, mais je ne perçois que l’ivraie. « Écoute ton cœur » me dirait-on.

C’est vrai. Mon cœur est une fréquence qui bat au rythme de ma sueur. Ni plus, ni moins, ni plus, ni moins, …

Distance

Devant moi, l’infini. Derrière aussi. A ma droite, à ma gauche, vers le haut ou les tréfonds, toujours l’infini. Avant moi l’éternité, après moi également, certainement, au moins un temps.

En cet état de Tesla, je sais que je suis dans la vérité pure du constat, une échelle insupportable. Si je suis une énergie qui vibre, si ma conscience n’a conscience que de ce qu’elle peut percevoir, il y a fort à parier qu’elle est nécessairement impotente, que je fais du bruit que je n’entends pas, malgré moi, ailleurs, autrement.

Cette pensée aussi pleine que fugace, aussi grande que rien de plus grand ne puisse être pensé, est-elle une note qui déborde, un silence ? Etre en conscience d’être parfaitement égal à soi donne-t-il un ton ?

Dans le monde de Tesla, oui, j’imagine que oui.  La saisie de soi serait un état d’âme, un état d’être assimilable à une note, l’être-là. Pour la majorité cette note est un Graal qui efface les malheurs dans une harmonie salvatrice. Aussi, ils sourient et la note se fausse. Il faut rester et tenir quelques moments sur le bronzarium de l’âme pour comprendre qu’il va falloir choisir, que les notes ne sont des notes identifiables en son que dans un temps fini, un espace entouré de leur absence.

Il faut choisir où ne plus être et à quelle fréquence.

Basse base

Voir le cœur de la terre battre, au moins symboliquement. Le symptôme minimaliste d’un bourdonnement au rythme mystérieux, effrayant pour nous, anodin pour les cailloux.

Je regarde la vidéo en direct d’un geyser dans le parc de Yellowstone.

Il fait beau, là-bas, le ciel y est bleu par-delà le dernier crachat de vapeur qui s’estompe péniblement. Je navigue dans les échelles. Le volcan explose tous les 650 000 ans, c’est sa note, c’est son temps. (pause : le geyser vient de s’élever, des visiteurs se sont certainement exclamés, j’entends presque leurs frissons)

Un jour cette coïncidence de résonance se réalisera : Le geyser grondera, les visiteurs s’exclameront, le volcan explosera et les cailloux s’envoleront.

Materia

Comment une onde deviendrait-elle une masse et un volume, de la matière, lourde, existante, violente par sa présence ? Ne suis-je pas un esprit, léger et détaché, au pire incarné ?

Ernst Chladni et ses figures de 1787 font le pont de ma compréhension. C’était un physicien dont les travaux participent aux bases de l’acoustique moderne. Un disque de métal, un peu de sable saupoudré dessus, un archet frotte le bord et voilà que le sable se met en rang selon la fréquence.

Cela ne cesse de m’interroger. Les figures dessinées changent quand la fréquence de vibration augmente. Ces figures sont parfaitement reconnaissables par moments, certaines font parfois penser à des gravures antiques, mystiques certainement. Je retiens qu’entre 2 fréquences stables, il y a le chaos du sable qui danse frénétiquement sans savoir où aller, dans une liberté folle. Je recule ; le grain de sable est lui aussi une vibration dans cette philosophie, tout comme la plaque de métal. Je constate ; peu importe la forme, il y a des paliers où le chaos disparaît, où l’ordre regroupe en masses compactes les individus qui erraient sur ce  métal sismique.  La plaque transmet de l’énergie, la même quantité à tous, gouttes à gouttes, à un rythme défini.

Je pense : « Vous êtes le sel de la terre »